Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à la plus value dans le milieu des arts premiers, au travers d’un objet représentatif du marché, des tendances de fonds, de l’engouement des collectionneurs pour les pièces à pedigree.Pour illustrer notre démarche nous allons vous présenter une statue Bambara Bamana de Ségou (Mali).
La provenance
Cette œuvre d’art, d’artiste inconnu comme souvent pour les arts premiers, à l’exception de quelques oeuvres identifiés comme ayant été probablement exécutées par le maître Buli ou Olowe of Ise, provient de l’ancienne collection d’Henri Matisse.
La rencontre
La Galerie Carrefour, boulevard Raspail où ils firent (Les Vérité) commerce des bois noirs dès 1937 fut une fourmilière dans le Montparnasse d’avant-guerre. Tout le monde de l’art y défilait, Picasso en tête. On y croisait aussi Helena Rubinstein, Josef Mueller et bien-sûr André Breton avec lequel Pierre Vérité aimait chiner.
La publication
Cette statue Bambara Bamana de Ségou fut présentée au public à plusieurs reprises, notamment lors de l’exposition Les Arts Africains au Cercle Volney à Paris du 3 juin au 7 juillet 1955, ainsi qu’a exposition La Sculpture en Afrique Noire – principaux centres de style à la Maison des Arts et Loisirs de Sochaux du 23 mai au 28 juin 1970.
La vente aux enchères
La ventes aux enchères est un lieu particulier pour les collectionneurs en général, mais plus particulièrement pour les collectionneurs d’arts premiers. Les arts premiers ont cette particularité d’être mystérieux, chaque œuvre est totalement unique ce qui rend les estimations complexes et parfois très approximatives pour les experts.
Notre statue Bambara Bamana de Ségou va donc passer aux enchères en juin 2006 lors de la prestigieuse ventes de la Collection Claude & Pierre Vérité sous le numéro de lot 26 reproduit dans le catalogue de vente, qui depuis, est devenu une référence (estimation du catalogue de vente 200 euros).
Expertisé par Alain de Monbrison, cette œuvre est estimée entre 30 et 50 000 euros. Elle provient du Mali en bois teinté noir quelques pièces de cuivres, également une restauration probablement indigène et mesure environ 66cm.
Descriptif du catalogue : « Elle représente une femme dans la plénitude de la jeunesse, assise sur un tabouret à quatre pieds, le corps aux formes géométriques. La tête au visage aigu projeté en avant porte une coiffe à triple chignon transverse, le front et les joues sont couverts de marques rituelles, les yeux sont représentés par des clous de cuivre, le nez est exagérément busqué. Les seins coniques, en obus, et les épaules sont scarifiés. Les mains forment de larges palettes digitées. L’ombilic et le sexe sont bien notés. Au bas des jambes solides, les larges pieds sont digités en griffes. Des bracelets et une ceinture ornent les poignets, la taille et les chevilles.
Au dos, apparaît un très beau travail de chignons en couvre-nuque, entre les belles oreilles triangulaires creusées en cuvette, et le globe parfait du fessier creusé d’un profond sillon. Le marli du siège est orné d’une élégante cannelure. Toute la statue est couverte d’un épais engobe noir, laissant affleurer par endroits la teinte miel du bois. Ancienne patine.
Superbe et rare statue Bambara d’un style classique identifié comme provenant des environs de Ségou au sud du Mali : elle représente une jonyeleni exaltant la beauté de la jeune fille avant le mariage. Ses formes symbolisent son aptitude à la maternité par la poitrine saillante, et au travail par les mains et les pieds puissants »
Nous estimons sans trop de difficultés que Pierre Vérité n’a probablement pas acquis cette œuvre à ce prix. Notre statue Bambara vient d’être valorisée par la provenance, la rencontre, la publication ainsi que la mise aux enchères à Drouot en 2006.
Le retour de la statue
Le 11 mai dernier, notre statue bambara du Mali réapparaît sur le marché, à New-York chez Sotheby’s. Nouvelle estimation pour cette oeuvre 150/250 000 USD soit 120/200 000 EUR. L’estimation s’est donc vue multipliée par 4 en 6 ans. Le nouveau collectionneur a du débourser pour acquérir cette oeuvre 605 000 EUR en Mai 2012, soit 3 fois la nouvelle estimation.
Ce collectionneur a estimé la valeur de cette oeuvre grâce à sa provenance (H.Matisse, P.Vérité), la publication (catalogues d’expositions, catalogue de vente), le lieu de vente prestigieux (New-York), la nationalité du précédent collectionneur (Français). Paris est depuis de nombreuses années une place de marché importante pour le marché des arts premiers, ce qui accentue la valorisation des œuvres provenant d’anciennes collections françaises.
Epilogue
Les collectionneurs d’Arts Premiers ont toujours en tête que chaque œuvre dispose de caractéristiques propres qui la rendent unique et parfois difficilement comparable. À la différence d’autres objets d’art comme les bronzes, les tableaux ou vous avez la possibilité d’acquérir des multiples de l’artiste.
Il n’est pas aisé d’accéder au savoir dans les Arts Premiers, vous devez avant d’acquérir une pièce vous faire l’oeil, connaître l’ethnie dont vous allez faire l’acquisition par le biais d’ouvrages, de catalogues d’expositions, car c’est la culture d’un peuple que vous faites entrer dans votre maison avant même l’aspect esthétique de la pièce, cet objet à jouer un rôle dans la vie de ce peuple, notamment au travers de rituels.
Vous allez maintenant nous dire, que vous souhaitez acquérir des oeuvres d’Arts Premiers mais que vous n’avez pas 700 000,00 EUR à investir.
La démarche reste la même pour une oeuvre mise à prix 600,00 EUR, vous devez ne pas vous fier au trop belles affaires/offres en dessous de ce seuil. Les Arts Premiers « ont la cote » en France notamment depuis l’ouverture du musée du Quai Branly qui affiche chaque années de nouveaux records d’affluence, les faussaires le savent et redouble d’ingéniosité pour vous tromper.
Avant d’acquérir une œuvre, familiarisez-vous avez celle-ci et conservez cette phrase en tête :
Parfois il faut vivre un certain temps avec un objet pour l’estimer à sa juste valeur. S’il est authentique comme toute véritable œuvre d’art, il se bonifiera avec le temps. Mais s’il est faux, la familiarité et le temps finiront par trahir l’imposture.
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